Ce lieu qui nous maintient
MATHIEU KELEYBE ABONNENC

Dans la lignée des interrogations sur le paysage et sa représentation développées lors de l'épisode précédent, cette exposition élabore le propos en convoquant un nouveau rapport au paysage: la relation filmée. La principale oeuvre présentée, D'ici, est une trilogie de films vidéo: Le bord du monde (10mn40s, 2004), Cayenne, (10mn, 2005), Le passage du milieu, (9mn40s, 2006). Les trois oeuvres, montées en boucle et diffusées sur un mode aléatoire, sont composées d'images issues de films de cinéma, plans de coupe où sourdent les catastrophes, visions d'aventures lointaines, réunies par un montage méticuleux de centaines de cuts en fondus enchaînés, offrant des points de vues inédits, souvent aériens (vues depuis des ciels obscurcis, des cimes aigües, des fôrets sombres, des mers agitées…), images parfois idylliques d'un paysage exhalant l’exotisme, l’inconnu, l'insondabilité d'une terre
étrangère. Elles constituent la trame de cette trilogie qui dans sa progression déconstruit par la répétition le lyrisme désuet du cinéma des grandes performances et des horizons lointains. Notre perception des lieux et des évènements, spécialement s'ils sont distants dans le temps ou dans l'espace, est bien souvent gouvernée par les traces récurrentes de fictions cinématographiques qui peuplent notre imaginaire, plutôt que par d'éventuels souvenirs, souvent bien plus fugaces. À travers ces vues de paysages grandioses entrecoupées de visions d'apocalypse transparaît la menaçe d'un espace sans lieu, orphelin de ses origines, et d'un temps sans souvenirs.

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